dimanche 15 décembre 2013

La Tunisie entame une sortie de crise.
Dans une négociation, il n’y a ni gagnant,  ni perdant. Seul un compromis permet l’accord final. En Tunisie, Mehdi Jomaâ, ministre de l’industrie, vient d’être nommé au poste de Premier ministre par 9 partis sur les 11 encore en lice dans le cadre du Dialogue national,  en cours depuis plusieurs mois pour tenter de sortir d’une grave crise politique. Ingénieur de formation, Mehdi Jomaâ a dirigé la division aéronautique et défense d’Aerospace (appartenant au groupe Total) et ses filiales implantées en France, aux États-Unis, en Inde et en Tunisie. Bien que faisant partie du gouvernement mis en place par Ennahda, Mehdi Jomaâ  a une réputation d’indépendance. Cela a certainement pesé pour arriver à un consensus sur sa nomination au poste de Premier Ministre. Ce consensus permet à la Tunisie de sortir d’une situation qui aurait pu déboucher sur un violent conflit interne.
Mais, les réactions à cette nomination sont contrastées. Pour les uns, Ennahda a manipulé le dialogue et placé un de ses pions. Pour les autres, cela constitue une sortie de crise honorable, vue l’absence de passé politique de Mehdi Jomaâ et donc d’inféodation à un parti.
On ne peut pas analyser cette nouvelle situation, sans prendre de la hauteur par rapport  au contexte fortement conflictuel de l’actuelle Tunisie.
Depuis janvier 2011 et la Révolution tunisienne, Ennahda a pris les commandes. Il dirige le pays avec l’apparence d’un fonctionnement démocratique, alors que la shoura de cette branche des Frères musulmans a constamment indiqué au gouvernement en place les directions à suivre. La priorité de la shoura est de marquer la Tunisie du sceau de l’islam wahhabite, adepte d’une sharia restrictive des libertés, inspirée de l’islam du VIIè siècle, et d’inscrire cela au fer rouge dans la constitution. Sauf que ce peuple qui a élu Ennahda ne veut plus de ce parti islamiste, dans sa majorité. Les Tunisiens sont désillusionnés. Ennahda a engendré de sérieux problèmes économiques en donnant à l’islamisation la priorité absolue, quitte à faire régner un climat d’insécurité. Insécurité marquée par la liberté d’agir laissée aux barbus fidèles à Ennahda, souvent adeptes de la violence envers les non islamistes. Deux des principaux responsables de l’opposition aux Frères musulmans tunisiens  ont été assassinés et tout laisse à croire que ces meurtres ont été commandités par Ennahda, qui, comme les Frères musulmans d’Egypte, possède sa branche armée. Résultat, en particulier, la fuite des touristes, alors que le tourisme constitue la première industrie de la Tunisie.
Pour les wahhabites, restés à l’heure du VIIème siècle, tout est dans le Coran : règles de vie quotidiennes, individuelles et collectives, économie, sciences…etc. Mais, la réalité du XXIème siècle est bien différente ! Particulièrement dans le domaine du développement économique qui conditionne le niveau de vie des Tunisiens. Ce niveau de vie n’a pas cessé de baisser depuis la chute de Ben Ali, tandis que le coût de la vie augmente d’une manière excessive. L’urgence est, en fait, dans la relance de cette économie qui va mal ! Même la récolte plus que millénaire des olives, permettant à la Tunisie de produire une huile de table de grande qualité, a baissé de 60% en 2013 ! Rien ne va plus ! L’heure n’est plus aux convictions rétrogrades et passéistes des islamistes. La relance économique constitue une priorité.
Dans ce contexte, la nomination d’un homme sorti du milieu industriel, comme Mehdi Jomaâ, réputé intègre et indépendant, constitue une bonne nouvelle. On peut penser  que le ministre de l’industrie du gouvernement Larayedh aura pour premier souci de redresser l’économie tunisienne. Et surtout de faire renaître la confiance, tant au plan intérieur qu’au plan international.
Reste à Mehdi Jomaâ à former son gouvernement, en sortant des  luttes pour le pouvoir  qui caractérisent les formations politiques, et en visant la compétence et l'efficacité. Le nouveau Premier ministre a cette chance de n’appartenir à aucun parti et de n’être lié à aucune chapelle ! 

Michel Le Tallec

mardi 3 décembre 2013

Ukraine : le diktat de Poutine…
Poutine vient de condamner les manifestations d’opposants en Ukraine, qu’il compare à des pogroms…Mais de quoi se mêle-t-il ? L’univers soviétique,  auquel appartient encore Poutine, n’existe plus depuis 1990 et le maître du Kremlin n’est pas maître à Kiev ! A moins qu’il ne compte envoyer les chars russes régler le sort des Ukrainiens qui veulent rejoindre l’Europe libre ?
C’est un peu l’heure de vérité pour la volonté de puissance de Poutine. Il a imposé sa manière de faire en Syrie, face à la faiblesse manifestée par les USA. Il musèle par la force l’opposition en Russie, allant jusqu’à ordonner un lavage de cerveau pour l’une des Pussy Riot enfermée dans un camp de travail. Mais, en Ukraine, c’est une autre paire de manche. L’Ukraine, c’est déjà l’Europe libre, à la frontière de la Russie. Le temps n’est plus où Moscou pouvait tout régler par la force dans les pays membres de l’URSS, comme en Hongrie ou en Tchécoslovaquie. La démocratie l’emporte progressivement dans les ex satellites, et même si elle n’est pas encore tout à fait respectée à Kiev, elle constitue cependant le mode de fonctionnement choisi par les Ukrainiens.
Ukrainiens qui ne veulent plus du régime présidé par  Viktor Ianoukovitch , marqué par la corruption, une mauvaise gestion de l’économie et la dépendance à Moscou. Les manifestants qui ont occupé la mairie de Kiev veulent le départ de  Viktor Ianoukovitch    et un changement de gouvernement. Ils veulent l’Europe libre et non la Russie de Poutine. Ils ont trop connu, au moins pour les plus âgés, les contraintes soviétiques, les privations de libertés, pour laisser passer l’occasion de s’arrimer à l’Europe libre.
L’Europe comprendra-t-elle l’importance de ce qui se joue en ce moment en Ukraine ? Il est vital qu’elle fasse tout pour amener l’Ukraine au sein de l’union de pays démocratiques qu’elle constitue. Il faut un coup d’arrêt à la volonté hégémonique passéiste de Poutine, qui s’est manifestée en août 2008 par la guerre qu’il a menée contre la Géorgie. Après avoir nié son implication, à l’époque, le président russe avait reconnu que l'offensive militaire contre la Géorgie avait été préméditée et préparée par l'état-major russe, sous ses ordres…Envisage-t-il le même scénario aujourd’hui ?
On ne peut que regretter, dans cette occasion, que l’Europe politique soit encore un nain, représenté essentiellement par le président de la commission européenne, Jose Manuel Barroso. Barroso  n’est pas le président d’une Europe fédérale et  ne fait donc pas suffisamment le poids quand il faut affronter un problème comme celui créé par la volonté russe de s’imposer par la pression économique, et par la force si nécessaire à l’Ukraine.

Michel Le Tallec